Conjonction des forces

<-

Kazuma s'était inquiété depuis le départ de Luna. Oh, bien sûr, il savait avoir prit la meilleure décision. Quelle ne fut pas la surprise des hommes de Yukinawa de tomber sur le vieux maître plutôt que sur une jeune fille sans défense ! Évidemment, ils avaient regrettés tout de suite d'avoir ainsi pénétré le sanctuaire du vieil asiatique.

Les trois hommes s'étaient alors regardé, ils avaient le petit sourire de ceux qui sous estiment les forces d'un vieil homme. L'un d'eux s'était mis en garde, aussitôt copié par Kazuma Sensei, et avait attaqué le maître.

Kazuma Sensei avait alors à peine bougé, ses mouvements avaient été lents en harmonieux, on aurait dit qu'il éxécutait quelques chorégraphie de salon, mais son adversaire avait volé derrière lui, sur le ventre, ignoré par le vieil homme qui attendait parfaitement zen, le challenger suivant.

Les hommes de main avaient décidés de le plaquer à deux contre un, mais eux non plus ne surent jamais ce qu'il s'était passé : Kazuma Sensei finissait un mouvement des plus gracieux alors que les deux hommes avaient glissé et rejoint leur compère...

Finalement, ils étaient repartis, leur honneur malmené par l'homme aux mouvements de danseur, courant, fuyant, sentant bien que Kazuma était bien trop fort pour eux.

Mais Kazuma Sensei le savait : Ils reviendrait, plus nombreux et saccageraient tout jusqu'à trouver leur proie ! Il regarda, inquiet, le soleil se coucher au bout de la rue, sans voir aucune des silhouettes attendues...

- Bonjour Maître Kazuma.

L'homme encapuchonné, dissimulé dans l'ombre du jardin impeccable qui entoure le dojo, avait parlé sur un ton déférent et garde la tête baissée en signe de respect.

Kazuma sensei a écrit:

- Excuse les manières d'un vieil homme qui en oublie les bases de l'hospitalité. Entrons, veux tu ?

Lo laisse le vieux maître passer devant et lui emboite le pas, les mains croisés dans les manches de son long manteau, pour entrer dans le petit dojo traditionnelle.

D'une voix douce et déférente, le jeune chinois dit dans un japonais courant :

- Je réponds à votre appel sensei.

L'Akashite s'incline respectueusement et poursuit :

- Comme vous me l'aviez dit, j'ai trouvé vos élèves près du Minato's Hospital. Ils étaient au prise avec des petites frappes, des dormeurs. Il y avait des agents sur les lieux mais ils ne sont pas intervenus. Vos protégés vont biens. Est-ce que vous voulez m'en dire plus sur le problème ou au moins sur ce que vous attendez de moi ?

« Lorsque le thé est fait avec l'eau tirée des profondeurs de l'esprit dont le fond dépasse la mesure, nous avons vraiment ce que l'on appelle le Chano-yu » Toyotomi Hideyoshi



Comme le veut la tradition japonaise du Chano-yu, la cérémonie du thé, Kazuma, l’hôte, porte un kimono, tandis que Lo porte des vêtements formels sombres parfaitement adéquats. Invité dans la chambre à thé, le jeune chinois se purifie rituellement en se lavant les mains et en se rinçant la bouche dans un petit bassin en pierre contenant de l’eau. Il se dirige alors vers le tokonoma, une alcôve, où il peut admirer des parchemins. Puis, il s'assoit dans la position seiza sur le tatami.
La chambre à thé est petite, environ deux tatamis. Les matériaux de construction et les décorations sont délibérément simples et rustiques.
Le vieux senseï sert à son ancien élève un kaiseki, petit repas léger et simple, suivi par du saké. Lo retourne ensuite à la salle d'attente couverte jusqu'à ce qu’ils soient à nouveau appelés par Kazuma.
En présence de son invité, le maître nettoie rituellement dans un ordre déterminé, en utilisant des gestes très précis, chaque ustensile incluant le chawan, un bol à thé, le chasen, le fouet et le chasaku, l'écope à thé. Les ustensiles sont placés dans l’ordre exact de rangement en accord avec le rituel. Lorsque le nettoyage et la préparation des ustensiles est complet, Kazuma place une quantité mesurée de thé vert en poudre dans le bol et ajoute la quantité appropriée d’eau chaude, puis fouette le thé en utilisant des mouvements prédéfinis.
La conversation est gardée à son minimum. Lo se relaxe et apprécie l'atmosphère créée par les sons de l'eau et du feu, l’odeur de l’encens et du thé, la beauté et la simplicité de la pièce agrémentée de décorations saisonnières.
Le bol est alors servi au prêtre shaolin par le maître zen comme à un shokyaku, un invité d’honneur. Les courbettes sociales sont échangées. Lo lève son bol dans un geste de respect pour l’hôte puis tourne le chawan afin d'éviter de boire sur son avant, avale une petite gorgée, murmure une phrase prédéfinie, puis prend deux ou trois nouvelles gorgées avant d'essuyer le bord, tourne le bol dans sa position originelle pour le passer à son hôte. Le sensei nettoie alors à nouveau les ustensiles. Le jeune akashite examine les ustensiles et admire chaque objet, incluant l’écope à eau, la boîte à thé, l’écope à thé, le fouet à thé, et, le plus important, le bol à thé. Les objets sont traités avec une extrême précaution et avec révérence avec un morceau de tissu pour les tenir. Kazuma récupère enfin les ustensiles et salue son invité. La cérémonie prend fin et le maître parle.

Lo pause un silence avant de répondre :

- Je suis retiré sensei. Cependant je sais quelle est ma dette envers vous. Et même sans cela, je vous dois, à vous et à vos élèves, assistance pleine et entière. Je conduirai donc vos protégés jusqu’en France.

Le jeune akashite demande enfin :

- Puis-je en savoir plus sur ce Yukinawa et sur ses desseins quant à Luna ?

Kazuma sensei a écrit:

- Veux tu savoir autre chose ?

Lo pause à nouveau un silence comme il a l'habitude de le faire puis demande finalement avec sa douceur coutumière :

- Où pourrons nous joindre Larrezabal San et que dois-je savoir sur lui ?

Lo pèse calmement les mots du vieux maître puis demande honnêtement :

- A quel point avez-vous confiance dans le jugement de votre ami français ? Je veux dire : serait-il possible qu'Akinari soit tombé dans un piège ?

Lo réfléchit, toujours à genou à même le sol, au-dessus de la petite table basse finement ouvragée, puis posement déclare :

- Je devrais rendre visite à ce Larrezabal avant de lui amener Luna.